"Les consommateurs veulent du 'durable', mais le prix élevé en rebutent plus d'un"
La durabilité n'est plus une option, mais une nécessité pour le secteur du bricolage. Les consommateurs attendent de plus en plus des produits respectueux de l'environnement, tandis que la législation oblige les entreprises à être plus transparentes et plus écologiques. Mais comment cela se traduit-il dans la pratique? Quels sont les défis à relever et les opportunités à saisir? Piet De Coninck, administrateur délégué de HIMA Benelux, nous fait part de son point de vue sur les principales évolutions et l'impact sur les fournisseurs et les détaillants.
Des centaines d'acteurs, une même mission
Le marché du bricolage est un secteur diversifié qui compte un large éventail de fournisseurs et de détaillants. Les grandes chaînes telles que Gamma, Hubo et Brico dominent le marché, mais derrière elles se cache un réseau complexe de fabricants, de fournisseurs et de distributeurs. Au total, des centaines d'acteurs opèrent au Benelux. Le défi à relever? Intégrer la durabilité dans l'ensemble de la chaîne de valeur, de l'extraction des matières premières au produit final dans le magasin.
Pourquoi le développement durable est-il une question importante dans le secteur du bricolage?
Piet De Coninck: "Deux facteurs principaux jouent un rôle: les consommateurs et la législation. Les consommateurs, en particulier les jeunes générations, disent qu'ils veulent des produits durables. Mais dès que le prix augmente, beaucoup abandonnent. Il est donc difficile pour les détaillants et les fournisseurs de mettre en œuvre la durabilité de manière rentable. Et puis il y a la législation. L'Union européenne fixe des normes élevées par le biais du Green Deal, de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et de la CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), entre autres. Les entreprises doivent rendre leur impact environnemental transparent et l'améliorer. Pour les PME en particulier, cela implique une lourde charge administrative. Les grandes entreprises peuvent libérer l'expertise et les ressources nécessaires, mais pour les petits acteurs, cela va parfois trop vite."

Quelles mesures le secteur a-t-il déjà prises?
"HIMA a élaboré une feuille de route en matière de développement durable sur base d'entretiens avec ses membres et d'ateliers avec ses fournisseurs. Quatre priorités en sont ressorties: le climat, l'emballage durable, l'approvisionnement durable et la circularité. Nous informons et soutenons nos membres dans ce domaine. Nous coopérons avec les détaillants au niveau européen."
"Sept associations de bricolage de pays tels que l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne ont uni leurs forces pour développer une approche commune avec l'Edra, la fédération européenne du commerce de détail."
"L'un des points centraux est la mesure des émissions de CO2 tout au long de la chaîne d'approvisionnement, du producteur au consommateur. Cela permet d'identifier les goulets d'étranglement et d'apporter des améliorations ciblées."

La législation appelle au changement
Comment les fournisseurs font-ils face à ces évolutions?
"Les fournisseurs sont soumis à la pression des détaillants et de la législation. Les grands détaillants tels qu'Intergamma et Brico devront rendre des comptes conformément à la législation CSRD d'ici 2026. Cela signifie qu'ils doivent cartographier non seulement leur propre impact, mais aussi celui de leurs fournisseurs. En conséquence, les fournisseurs sont de plus en plus souvent interrogés sur leurs émissions de CO2, les matériaux utilisés et l'impact social. Des systèmes tels qu'Ecovadis sont largement utilisés pour mesurer les performances en matière de développement durable. Certains fournisseurs ont déjà de l'expérience en la matière, mais pour beaucoup d'entre eux, il s'agit d'un terrain inconnu. En outre, des réglementations strictes s'appliquent à certaines matières premières, telles que le bois et les métaux. Par exemple, le règlement européen sur la déforestation (EUDR) exige que l'origine du bois puisse être retracée jusqu'à sa source. Cela oblige les fournisseurs à être plus transparents sur leurs processus de production et leurs stratégies d'approvisionnement."
"Les grands détaillants exigent de plus en plus de déclarations de durabilité, d'audits et de conformité à de nouvelles normes telles que les passeports numériques pour les produits"
Quels sont les défis auxquels les fournisseurs sont confrontés?
"De nombreux fournisseurs travaillent à petite échelle et n'ont pas toujours les ressources nécessaires pour produire des rapports de durabilité complets. Pourtant, ils ne peuvent pas rester à la traîne. Les grands détaillants exigent de plus en plus de déclarations de durabilité, d'audits et de conformité à de nouvelles normes telles que les passeports numériques de produits. Ceux qui ne s'y préparent pas risquent d'être exclus du marché. En outre, les fournisseurs doivent faire face à différentes certifications et normes. Ecovadis et Sedex sont des systèmes couramment utilisés, mais la certification FSC pour le bois et la certification Cradle-to-Cradle pour les matériaux de construction deviennent également de plus en plus obligatoires. Cela nécessite non seulement des efforts administratifs, mais aussi des investissements dans des méthodes de production plus durables."

Des rapports uniformes
Quelles initiatives les détaillants prennent-ils pour promouvoir le développement durable?
"Les détaillants collaborent de plus en plus pour faire passer le développement durable au niveau supérieur. Par exemple, sept associations européennes de bricolage ont désigné conjointement avec la Fédération européenne du commerce de détail un consultant pour mettre au point une méthode uniforme de déclaration des émissions de carbone. Cela permet aux fournisseurs de mieux s'adapter à la législation tout en restant compétitifs."
Nous observons également des initiatives telles que des écolabels obligatoires et des exigences plus strictes en matière d'emballage et de matériaux. Un autre exemple est le Klimaatplein, où les détaillants et les fournisseurs travaillent ensemble pour réduire les émissions de CO2, notamment grâce à des transports plus efficaces et à des processus de production plus durables. De telles collaborations permettent aux entreprises non seulement de se conformer à la législation, mais aussi d'apporter une valeur ajoutée de manière proactive.

Quel conseil donneriez-vous aux fournisseurs qui souhaitent répondre à ces changements?
"Commencez petit, mais commencez. Dressez la carte de votre chaîne de valeur: sachez d'où viennent vos matières premières, dans quelle mesure vos processus de production sont durables et quels sont les risques encourus. Utilisez les outils disponibles tels qu'Ecovadis et travaillez avec vos clients pour déterminer ce qui est faisable. Les fournisseurs qui adoptent une approche proactive de la durabilité resteront les acteurs les plus forts du marché à long terme. La première étape consiste à cartographier vos émissions de CO2 et votre consommation d'énergie. Cela peut se faire par une simple analyse rapide ou en consultant les références existantes. Ensuite, il est important d'établir un plan d'action: quels processus pourraient être plus efficaces, quels matériaux pourraient être plus durables et quelles certifications sont pertinentes pour votre segment de marché?"